l’usine franbel
de Buzet-sur-Baïse

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La Franbel ou Compagnie Franco-Belge des Crayons

Au début du 20ème siècle la France est importatrice de crayons. Les frères Faber (Maurice et Raoul-Marcel) s’associent avec un ingénieur chimiste belge, Georges Verhulst, pour fonder une fabrique de crayons, en 1911, sur les bords de la Meuse, à Givet (dans les Ardennes). C’est là que commence l’extraordinaire histoire de la Franbel !

crayons franbel
roses de france franbel

L’entreprise réussit à passer la tourmente de la guerre mais Maurice Faber ayant décidé de se fixer à Agen, ville natale de son épouse où il prend la direction d’un cabinet d’assurances, des recherches sont entreprises afin de trouver des bâtiments susceptibles d’accueillir la fabrique de crayons dans le Sud-Ouest.

Le site idéal est trouvé à Buzet : le Grand Moulin de la Baïse, situé sur une propriété de plus de 3 hectares avec de nombreux bâtiments et qui possède une puissante chute capable de produire toute l’énergie nécessaire au fonctionnement de la fabrique.

Les frères Faber décident alors de s’associer à un industriel belge, Auguste Delcroix qui va leur fournir de nouvelles machines. La Compagnie Franco Belge des Crayons (rebaptisée quelques années après Fanbel) est officiellement créée en août 1919 et elle a son siège social à Paris : aux fondateurs déjà mentionnés, sont ajoutés de nouveaux actionnaires dont notamment le prince Jérôme-Joachim Murat et l’ingénieur agenais Nelson Lanes (gendre d’Armand Fallières) ! L’acte d’achat du Grand Moulin est signé un mois plus tard chez maître Dastros à Buzet : c’est un renouveau pour cet illustre bâtiment qui va devenir une usine ultra moderne. De nouveaux ateliers sont construits sur près de 8.000 m² et dès 1921 50 millions de crayons sortent chaque année de l’usine. Le nombre d’ouvriers va passer de 200 à plus de 350. Buzet est une véritable ruche où la moindre location fait l’objet d’âpres négociation et où les restaurants bruissent d’une incessante activité.

la gamme franbel 1931

La fabrication des crayons nécessite entre 25 et 30 opérations dont les principales sont la fabrication de la mine (composée de graphite travaillé puis cuit à 1300°), de la planchette de bois (en cèdre de Virginie, puis en séquoia mais aussi à l’aide de grumes de bois indigène traité en conséquence). Enfin, les planchettes sont collées avec la mine à l’intérieur pour la fabrication du crayon puis découpées avant finition (peinture et marquage).

Mais tous les crayons de Buzet ne sont pas en bois ! L’un des fleurons de la production fut le fameux « crayon qui parle » dont le corps était constitué d’un mince rouleau de papier sur lequel étaient inscrites des charades. Il y avait aussi des crayons de couleur supérieurs : les « Casteljaloux » dont le nom avait été choisi afin de tirer parti du succès de la pièce d’Edmond Rostand « Cyrano de Bergerac » dans laquelle il est fait plusieurs fois allusion à Casteljaloux et aux Cadets de Gascogne !

Maurice Faber, qui avait été élu en 1928 Président de la Chambre de Commerce et d’Industrie de Lot-et-Garonne usa de toute son influence pour apporter à la Franbel ce dont elle avait besoin pour prospérer. Il permit l’obtention rapide de secours et de subventions lorsque l’usine fut inondée au moment de la grande crue de mars 1930 !

Mais dès les premières années de la société, Maurice Faber et Auguste Delcroix (qui dirigeait les affaires en tant que directeur-général depuis le siège social parisien) s’étaient opposés. Celui-ci est devenu le principal actionnaire et il va progressivement évincer Maurice Faber. La modernisation des bâtiments après la guerre (confiés à l’architecte Knockaert de Villeneuve-sur-Lot) cache le manque de dynamisme et d’innovation : alors que le stylo-bille et le crayon feutre vont concurrencer rudement le crayon traditionnel, Auguste Delcroix (qui approche les 80 ans et n’a pas d’héritier) ne veut rien entendre. Il se met à dos les ouvriers qui se mettent en grève et l’obligent à venir de Paris et ensuite traverser Buzet à pied sous les huées pour aller négocier dans une salle municipale. On l’accusa d’avoir fait cesser l’activité de la Franbel, en 1956, en guise de vengeance vis-à-vis de cette humiliation. Il meurt en 1958 après avoir donné le coup de grâce à la Franbel.

Maurice Faber écrivit dans ses mémoires : « Il a brusqué une liquidation désastreuse (…) absorbant le plus clair d’un actif de plus de 200 millions de francs. D’une mine d’or il en a fait une mine de charbon (…) les affaires ne valent que par les hommes qui les dirigent. Auguste Delcroix a été pour Franbel un piètre gérant et le lamentable fossoyeur ! ».

franbel vers 1930 vue rive gauche

La Franbel vers 1930

franbel vue d'avion vers 1950

La Franbel vers 1950

franbel vers 1950

La Franbel vers 1950

Georges Verhulst, outre le fait d’être un prodigieux ingénieur était un vrai patriote (bien que de nationalité belge) et il aida la Résistance durant l’occupation en cachant des armes issues des parachutages et facilita la « couverture » de Résistants buzéquais en les employant à la Franbel. Il tenait cet esprit de son éducation et du souvenir de ses propres parents, fusillés par les Allemands durant la guerre de 14-18 pour faits de résistance lors de l’occupation de la Belgique. Après la guerre, il avait laissé la place à son fils Jacques, également ingénieur-chimiste, qui tenta de reprendre le flambeau de la Franbel en rachetant la marque en 1960. Il avait en effet déposé un brevet pour un crayon plastique révolutionnaire. Il s’installa à Boé puis à Agen mais s’associa avec un industriel qui l’entraîna à la faillite. Le fameux brevet fut repris par la société Baignol-et-Farjon (depuis Conté) qui l’améliora et lui assura une brillante réussite.

Pendant plusieurs décennies, la Franbel avait rythmé la vie buzéquais. Le grand moulin s’était transformé en une usine moderne et il n’allait pas encore s’endormir, ses murs allaient connaître une nouvelle, passionnante, mais éphémère aventure industrielle.

affiche poulbot franbel