l’Église notre dame de buzet
et son presbytère
Le déclin du bourg médiéval, le « Haut Buzet » a eu lieu progressivement mais il s’est accéléré au début du 19ème siècle et 1832, la maison commune étant en ruine et la majorité des habitants se trouvant déjà au bourg de Lagravère, on décide d’y transférer le chef-lieu du village.
Il faut donc construire un nouvel hôtel-de-ville, avec école et logement pour l’instituteur, ce qui nécessite la création d’un impôt spécial. Le bâtiment est achevé en 1838, ce qu’atteste un cartouche en relief situé sur sa façade sud.
Mais très vite se pose le problème de l’église du vieux village qui est déclarée dangereuse en 1847 en raison des risques d’effondrement. Environ vingt ans auparavant des mouvements du sol ont fragilisé l’édifice et en 1849 un nouvel incident se produit : un bloc de mortier se détache de la voûte en pleine messe. Le Préfet impose donc la fermeture et le lieu de culte est transféré sous la halle (en fait une « demi-halle » car elle n’est ouverte qu’au sud) là où il avait déjà été installé après la première interdiction de 1847.
La halle sous la mairie où fut célébré le culte en attendant la construction de la nouvelle église.
Le presbytère.
La municipalité doit donc se résoudre à adopter une délibération en vue de la construction d’une nouvelle église et d’un presbytère à Lagravère. La décision officielle est prise en 1852 et le Conseil stipule qu’elle devra pouvoir accueillier « 1.000 âmes et devra coûter 50.000 francs plus 10.000 francs pour le presbytère ».
Des discussions parfois houleuses vont avoir lieu afin de choisir un emplacement. Les terrains communaux appropriés sont peu nombreux. On choisit d’abord la place publique située au nord-est de la mairie, le « Padouen » dans l’actuel quartier du Pigeon Blanc. On pense en outre pouvoir acheter une maison alentour en guise de presbytère, ce qui réduirait encore les coûts. Mais l’architecte Verdier trouve l’emplacement trop étroit. On accepte donc l’option la plus coûteuse : l’achat d’un terrain qui appartient au maire, Guillaume Benquet. Il fut acheté 7.000 francs, somme importante compte tenu de la surface (5.000 m2), mais acceptée par l’administration. La commune est riche, l’agriculture et la viticulture sont en plein essor et le commerce des farines est prospère, on espère pouvoir faire face à cette nouvelle charge exceptionnelle.
L’architecte élu est celui de l’arrondissement et de la ville d’Agen. Il avait déjà fait ses preuves dans la région et on lui confia par la suite la construction du lycée impérial (actuel collège Chaumié) et la restauration de l’église Saint-Hilaire. Le devis établi par Verdier est donc revu à la baisse et on réussit même à signer avec l’entrepreneur, Jean Fourtau d’Agen, le 3 octobre 1855, un contrat pour les deux bâtiments se montant à seulement 47.679,86 francs dont seraient déduits les éventuels transports de matériaux effectués par la municipalité ou les habitants. Le premier acompte est versé en janvier 1856 et il faudra environ trois ans pour que les travaux soient menés à bien.
Comme pour l’hôtel-de-ville, le financement doit être assuré par un impôt exceptionnel et aussi par la vente de bâtiments communaux, en particulier ceux qui restent dans le vieux village. Mais la négociation fut difficile car la jeune châtelaine, mademoiselle de Beaumont, vient d’épouser le Comte Alfred de Noailles.
En effet, dans une lettre adressée au maire en janvier 1853 depuis Paris, où il réside durant la mauvaise saison, il refuse la proposition de la municipalité certes assez élevée : 16.000 francs. Il ne veut pas faire de « sacrifice ridicule » d’autant plus que, contrairement à son épouse, il n’est pas originaire de Buzet et déclare « je suis facilement prêt à n’y plus remettre les pieds, au premier désagrément quelconque que j’y éprouverai » ! Ce n’est qu’après la fin des travaux que l’on transigera à la moitié du prix initial. La municipalité a en effet besoin d’argent car les devis ont été dépassés !
Le résultat est cependant magnifique, malgré les critiques du Directeur général de l’administration des cultes, le Conseiller d’Etat Contencin qui a été amené à donner son avis après une demande de secours (on ne disait pas subvention) de la municipalité, en 1856, (la commune venait de subir deux crues consécutives et dévastatrices de la Garonne) : il trouve que « le caractère du presbytère manque absolument d’harmonie avec sa destination » en raison de sa galerie « coûteuse et compliquée ». La partie supérieure du clocher pourrait être simplifiée, l’inclinaison de la couverture des bas-côtés et de la sacristie est insuffisante… « Il s’agit d’un projet trop important et trop coûteux », l’Etat accordera cependant 5.000 francs et on ne tiendra heureusement pas compte de la plupart de ses remarques.
Le style choisi par Verdier est très en vogue à l’époque : « la première période de l’art ogival », l’extérieur comme l’intérieur doivent « porter naturellement l’empreinte de l’art du XIIIème siècle » comme l’a écrit Adolphe Magen dans une description exhaustive du monument publiée dans le Journal de Lot-et-Garonne du 10 novembre 1862. Verdier s’est tout à fait insipiré de son maître Viollet-le-Duc, la croix de fer fleuronnée qui surmonte le clocher est la copie de celle de l’église de Puybarban en Gironde, disparue à l’époque et reproduite dans le Dictionnaire d’Architecture qu’il vient de publier. Le socle de l’église a été édifié en pierre de taille de pays (de Vianne), le clocher en pierre de Bourg, les voûtes et corniches en pierre de Lestiac et les colonnes en pierre de Condat. Les vitraux, les autels et l’orfévrerie sont dus à deux Bordelais, Villiet et Jabouin et la tribune à Sirben.
Le 28 octobre 1858 le maire peut enfin annoncer à l’abbé Collonge que « le presbytère et la nouvelle église sont propres à être livrés à leur destination ». Il en aura coûté, outre les 7.000 francs du terrain, 47.710,91 francs pour l’église et 14.320,98 francs pour le presbytère auxquels s’ajoutent les honoraires de l’architecte (1/20ème) soit 3.101,59 francs. Le budget a donc été dépassé de 20 % et encore n’a-t-on pas compté les 2.500 francs de travaux de sculpture offerts par de généreux paroissiens dont le riche négociant en farine, Caupenne, qui exploitait le « Grand moulin de Buzet » sur la Baïse. Chaque porte intérieure du presbytère a coûté 20 francs, chacune des cinq cheminées 50 francs, une paire de contrevents 25 francs.
Afin d’avoir une idée des sommes que cela pouvait représenter à l’époque, le traitement annuel du secrétaire de mairie ou de l’instituteur était de 300 francs, celui du « tambour-afficheur » ou de l’institutrice, de 150 francs, une journée de maçon sur le chantier de l’église était facturée par l’entrepreneur 3 francs et celle d’un manœuvre 2 francs 50, enfin, une paire de bœufs valait en moyenne 600 francs.
Le 17 août 1862 monseigneur Langalerie, évêque de Belley dans l’Ain, vint consacrer l’église Notre-Dame-de-Buzet en présence de nombreuses personnalités et de toute la population « dont les sacrifices et les privations, conjugués au dévouement de leur curé et aux talents de l’artiste, ont fait jaillir du sol cette œuvre de pierres vives » relate le chroniqueur du Journal de Lot-et-Garonne.
L’église du Haut Buzet désaffectée.
L’église de Buzet aujourd’hui.
L’église de Buzet vers 1906.
L’église de Buzet.