le vignoble
de Buzet-sur-Baïse
Vraisemblablement à partir de la fin des guerres de religion, le petit hameau de vignerons situé au bord du ruisseau de Bénac (ruisseau de la Paix), Lagravère, s’est développé à la faveur de la paix qui s’est installée dans la région. Le bourg du bas est progressivement devenu plus peuplé que le bourg du haut qui fut abandonné au milieu du 19ème siècle.
Un arpentement de 1642 témoigne déjà que la moitié des surfaces agricoles de Buzet sont alors dédiées à la vigne, mais sans jamais constituer une monoculture, au contraire de ce qui se pratique en Bordelais. On cultive surtout en joualles, c’est-à-dire l’alternance de rangs de vignes (en général deux) et de bandes de cultures (en moyenne deux fois plus larges que la précédente) céréalières ou légumières voire de vergers. Souvent on associait les trois cultures : vigne, arbres fruitiers et céréales. Ce n’est qu’au 18ème siècle que le vin prend son nom actuel de Buzet.
Si les joualles étaient alignées ce n’était pas la règle générale, loin s’en faut, avant les replantations consécutives au phylloxéra. Les vignes étaient le plus souvent « en foule » c’est-à-dire sans direction particulière. Cette disposition était due à la technique du provignage. Cet aspect désordonné ne présentait pas d’inconvénients puisque la vigne était travaillée exclusivement à la main, sans machine ni animaux. En outre, sur les coteaux cela ralentissait la descente des terres.
L’activité principale de Buzet a donc presque toujours été la viticulture ce dont attestent les documents d’archives ainsi que la carte de Belleyme une remarquable photographie de notre terroir à la veille de la Révolution.
Une équipe d’ingénieurs est recrutée par l’intendant de Guyenne, M. Boutin, qui veut doter sa généralité d’une carte qui soit la plus précise possible (deux fois plus que celle de Cassini) avec parmi eux le jeune Pierre de Belleyme, « sous-ingénieur géographe » attaché à l’exécution de la carte topographique de la Guyenne.
Buzet se trouve sur la feuille 41 (dite de « Casteljaloux ») dont les levées ont été effectuées entre 1763 et 1764, les vérifications en 1786 et la publication débute en 1790. Par conséquent nous avons une représentation fidèle de notre région à la veille de la Révolution.
La carte de Belleyme ne dispose pas de légende mais pour la végétation et l’hydrographie nous disposons de la légende de la Carte réduite de la Généralité d’Aquitaine dressée par Belleyme lui-même en 1787-1788. La légende distingue les pinadas des châtaigneraies et des autres feuillus ainsi que la lande et les marais ou les dunes de sables et les vignes. On peut ainsi étudier avec précision le boisement de la lande : si sur le rebord du plateau landais les résineux et les feuillus sont nombreux, à l’est de Casteljaloux et de Durance commence la lande désertique, souvent marécageuse, semée de bruyère, de genêt et d’ajonc, ça et là piquée de chênes. Nous découvrons les paysages décrits par les voyageurs qui traversèrent la région avant les grandes plantations de pins du 19ème siècle.
Les surfaces en vignes sont très importantes sur la rive droite de la Garonne, que ce soit au dessus de Boussères, Saint-Côme, Nicole, Unet ou Tonneins. Sur la rive gauche la terrasse se distingue des coteaux. Elle compte moins de vignes, sauf sur Buzet : Pécarrère, le Chanar, les Gavaches (sic), le Bourneau… Les coteaux et « l’arrière pays » en sont par contre véritablement couverts. A Buzet tout le territoire situé entre le château de Buzet et le château de Gache est planté en vignes, sur des surfaces bien plus importantes qu’aujoud’hui : à Montalivet, Drillet, Cousteau, Herrès… C’est également le cas sur les coteaux de Razimet, Puch, Villefranche, Saint-Léon ainsi que sur les paroisses d’Ambrus, Saint-Pierre-de-Buzet, Calezun, Feugarolles ou Montgaillard. Sur le secteur de Lavardac-Nérac la localisation du vignoble est plus ponctuelle, car les riches terres de l’Albret sont plutôt consacrées au blé qui alimente les nombreux moulins de la Baïse et de la Gélise exportant leur farine jusqu’aux Amériques.
La carte de Belleyme nous permet de vérifier ce que révélaient ponctuellement les livres terriers d’Ancien Régime (cadastres détaillés du terroir seigneurial) mais qui étaient la plupart du temps sans plan et sans jamais de numérotation des parcelles. Quant au cadastre napoléonien il ne fut achevé que dans les années 1820-1830 dans une grande partie des communes mais il ne donne pas de renseignements cartographiques sur le type de cultures.
La carte de Belleyme nous offre une vue générale et tout à la fois très précise de la Guyenne et de la Gascogne. C’est un document inestimable, autant par ses qualités techniques et artistiques qu’historiques : il est une image fidèle de l’occupation de notre terroir et tout particulièrement du vignoble de Buzet à la veille de la Révolution.
Le phylloxéra, un tournant dramatique pour la viticulture française
Le phylloxéra, apparu en 1863 dans le Gard et découvert en 1868 par Planchon va marquer un tournant dramatique dans la viticulture française et donc de Buzet. Même si le Sud-Ouest fut moins touché que le Midi voire les Charentes, le phylloxéra y détruisit près de 30000 hectares (contre 367000 pour le Midi méditerranéen et 80000 en Charente et Charente-inférieure). Les premières méthodes de lutte : produits sulfurés, noyage temporaire des ceps et surtout greffage à partir de plants américains, ne sont mis en œuvre qu’à partir de la seconde moitié des années soixante-dix mais vont se révéler indispensables avec l’arrivée du mildiou.
La crise phylloxérique avait en effet sonné le glas de la viticulture traditionnelle. Désormais le vigneron devait savoir doser les produits, lire et comprendre les revues spécialisées en un mot devenir un homme éclairé pour s’adapter à la viticulture moderne.
La reprise va être longue et des négociants véreux essaient de diluer le vin ou même d’en fabriquer artificiellement. Ces pratiques dénoncées par les vignerons vont conduire les voisins languedociens à la révolte des vignerons de 1907. À Buzet, des négociants furent confondus et condamnés !
La production de masse de vins de table, dans toute la France comme dans la région fut la règle dans les terroirs comme celui de Buzet qui avait perdu l’appellation « vins de Bordeaux » à la suite du décret du 18 février 1911 qui la réservait aux vins du département de la Gironde.
Le renouveau avec une qualité reconnue
Le renouveau date de l’après-guerre où à la suite d’un rapport d’expertise qui reconnait dans sa conclusion la qualité des vins de Buzet39 et après approbation de l’INAO, un décret ministériel entérine le 23 janvier 1953 le changement de cap : les « côtes-de-buzet » disposent désormais de l’appellation tant convoitée. C’est la première étape vers la reconquête de l’identité d’un vignoble local en quête de prospérité et de rentabilité.
Le vendredi 25 septembre 1953, les viticulteurs de Buzet sont conviés à une réunion sous la halle municipale. C’est la première Assemblée générale de la Cave coopérative, qui voit officiellement le jour avec 122 membres souscripteurs.
La cave de Buzet dans les années 1950
Vue aérienne de la cave de Buzet dans en 1973
La cave de Buzet en 2022
Le 11 septembre 1955, la cave coopérative de Buzet est inaugurée en présence de plusieurs centaines de personnes dont 166 participent au banquet final dans la cave elle-même, c’est le début d’une nouvelle aventure qui aboutit à la consécration qualitative des vins de Buzet par l’obtention de l’AOC en 1973. La Cave des Vignerons de Buzet est une remarquable réussite et son rayonnement dépasse les frontières du Sud-Ouest et même de l’hexagone.
Pour aller plus loin
Étude de l’historien Pierre Courroux qu’il a réalisée sur le vignoble de Buzet
Étude de Stéphane Lebras sur la création de la cave coopérative de Buzet