le canal
à Buzet-sur-Baïse
Du canal latéral au canal de Garonne
En 1996 le Canal du Midi était inscrit au patrimoine mondial de l’humanité par l’UNESCO. Il ne s’agit pas de notre canal mais de celui qui s’écoule de Toulouse à Sète et qui fut construit par Pierre-Paul de Riquet à partir de 1667 et inauguré en 1681 à Castelnaudary.
Le nôtre est beaucoup plus récent puisqu’il fêtera bientôt un siècle et demi de navigation !
C’est le Canal Latéral à la Garonne qui est aujourd’hui dénommé canal de Garonne, ce qui est plus simple et plus valorisant. Il descend de Toulouse à Castets-en-Dorthe, où il rejoint la Garonne après 193 kilomètres, 53 écluses et 128 mètres de dénivellation. Les deux ouvrages sont réunis sous l’appellation « Canal des deux mers », expression qui a le mérite de donner du sens à l’ouvrage : on y retrouve le nom d’origine du Canal du Midi puisque Riquet et Colbert l’appelaient « Canal des mers Océane et Méditerranée ». C’est en 1810 que le nom de Canal du Midi, certes déjà souvent employé, fut définitivement figé par Napoléon.
L’idée de poursuivre le Canal de Midi par un canal latéral à la Garonne remonte à l’époque du canal de Riquet : la Garonne était en effet difficilement navigable entre Toulouse et la confluence du Tarn durant les basses eaux.
En hiver, les périodes de hautes eaux rendaient la navigation périlleuse voire impossible sur presque tout le parcours et malgré les travaux de rectification du lit du fleuve réalisés à partir de 1825 sous la direction de l’ingénieur des Ponts et Chaussées Jean-Baptiste de Baudre, tout n’était pas réglé.
Le projet définitif du canal latéral est dû à l’ingénieur Jean-Baptiste de Baudre et celui-ci ayant fait ses preuves sur la Garonne, le gouvernement de Louis-Philippe l’a missionné pour travailler avec la Compagnie Magendie (de l’entrepreneur Dion) qui avait obtenu la concession en 1828. Mais la compagnie fit faillite en 1835. Une loi du 6 juillet 1838 reprend le projet au compte de l’État mais seulement jusqu’à Moissac où il y a une jonction avec le Tarn et ensuite la Garonne. Le projet fut ensuite étendu jusqu’à Agen puis en fin de compte jusqu’à Castets.
Les travaux débutèrent en 1839 avec l’inauguration du pont-canal d’Agen, le plus important et le plus difficile ouvrage de tout le chantier, après le pont sur le Tarn de Moissac. On embaucha de nombreux terrassiers, tailleurs de pierre et autres compagnons qui allaient descendre la vallée au rythme des travaux (on entamait en fait différents chantiers en plusieurs endroits à la fois).
Beaucoup étaient espagnols et avaient été soit attirés par un travail bien rémunéré, soit chassés par la guerre civile qui régnait à l’époque dans leur pays. Les pierres viennent des carrières de Roquefort et de Vianne. Le gabarit du canal (écluses) est de 17 mètres sur 2,25 mètres de tirant d’eau.
En 1844 la jonction avec le Tarn par Montauban est faite, en 1845 le Tarn est traversé à Moissac, en 1849 le canal est terminé à Agen et en 1852 la Baïse est atteinte à Buzet, enfin, en 1856 la mise en eau complète est effectuée jusqu’à Castets où il est livré à la navigation le 7 mai. Mais l’ouvrage avait bien failli ne jamais être entièrement terminé. En effet, en raison de difficultés économiques et considérant que la Garonne était plus facilement navigable à l’aval, le gouvernement avait décidé en 1841 de suspendre les travaux en aval d’Agen. Or ils avaient déjà commencé un peu partout et les eaux de pluie stagnaient dans le lit de l’ouvrage déclenchant ainsi une épidémie de fièvre dite à l’époque « intermittente » : le paludisme. A Buzet, alors que la moyenne annuelle était de 30 décès on en compta 58 en 1842, 69 en 1843 et 57 en 1844. On observe le même phénomène à Brax, à Damazan, au Mas d’Agenais, à Marmande… Le conseil municipal de Buzet demande, le 8 mai 1845, que l’on mette immédiatement en eau le bief situé entre Larderet et Damazan. En mai 1846 les travaux reprennent et l’épidémie va s’éloigner.
Un autre souci pour les Buzéquais fut celui des ponts : on avait d’abord pensé, grâce au canal, économiser la construction d’un pont suspendu sur la Baïse (qui serait forcément à péage et dont la construction fut accélérée puisqu’il fut inauguré en 1838) : si l’ouvrage avait enjambé la Baïse à Buzet on aurait eu le halage disponible pour les piétons et les animaux. Mais c’est Larderet (à la limite de Vianne et Feugarolles, au sud de Buzet) qui fut choisi ! Ensuite s’est posé le problème de la route de Saint-Léger qui allait être coupée en deux par un cours d’eau. Le conseil voulait que le nouveau pont soit édifié au Coustet, afin de ne pas changer les habitudes (on montait tout droit vers la mairie par le Padouen). Mais le préfet en décida autrement : afin d’être à proximité du nouveau pont sur la Baïse le pont canal serait construit à Barbistoc, son emplacement actuel.
Le canal allait enfin connaître un dernier épisode difficile : en 1850 on proposa de le combler pour y faire passer le chemin de fer. Mais une pétition des élus de la rive droite (qui avaient peur de voir le train leur échapper) et parce que les principales villes étaient sur cette rive, fit échouer le projet. C’est toutefois la même compagnie qui obtint la concession du chemin de fer du Midi Bordeaux-Sète et du Canal Latéral en 1852 : la « Compagnie des chemins de fer du Midi et du canal latéral à la Garonne » des frères Pereire et à James de Rothschild. La concession est revue en 1858 à 40 ans pour celui du Midi. C’est pour cette raison que le système sera exclus de la mise aux normes Freycinet de 1879 (le canal latéral en bénéficiera tardivement, en 1875 : passage de 29,50 mètres à 40,50 mètres). Elle pratiqua des tarifs privilégiés sur la voie ferrée et le trafic sur le canal végéta. Ce n’est qu’à partir de 1896, lorsque l’ouvrage fut racheté par l’Etat, que le trafic pris son essor : 26.000 tonnes en 1875 et 308.000 tonnes en 1903. Le gabarit Freycinet (écluses de 40 mètres) préconisé dès 1879, ne fut adopté qu’en 1973. C’était trop tard et insuffisant pour donner un nouvel essor au Canal Latéral qui se tourna vers un trafic de plaisance quasi exclusif.
Alors qu’il était en déclin depuis plus de 20 ans, le Canal de Garonne est désormais l’un des pôles touristiques majeurs du département.
Grâce à l’écluse double de descente en Baïse, Buzet est un nœud fluvial de première importance et a justifié la construction du nouveau port inauguré en 2001. La création d’une voie verte cyclable le long du canal entre 2006 et 2007 a donné un atout supplémentaire à cet axe majeur du tourisme en Lot-et-Garonne.